La vengeance est un plat qui se mange froid

Le jour où Ceylan eut reçu la fameuse lettre lui dictant un nouvel avenir auprès de personnes « comme elle », une journée entière fut le temps nécessaire pour choisir où se destina allait-elle se dérouler. Dans une ville que le moindre phénomène surnaturel effraie, ou dans ce lieu dont elle ne connaissait rien. L'inconnu l'effrayait, et cette peur l'attirait, aussi, sa décision finale fut d'engager sa trajectoire vers un nouvel endroit. Elle se souvint, tout au long du trajet, la jouvencelle qu'elle était s'était faite maintes et maintes idées sur les personnes qui y logeront, de parfaits petits écoliers assidus, avait-elle imaginé. C'est pourquoi, lors de sa première rencontre avec Kilian, elle pressentit que tout allait être plus ludique dorénavant. Chacun faisait un sale coup à l'autre, se vengeait encore et encore jusqu'à l'un d'entre eux abandonnent, mais personne ne semblait lâcher l'affaire.
La fois précédente, le jeune homme lui avait volé sa serviette tandis qu'elle se trouvait dénudée dans les bains collectifs, endroit où elle détestait aller, mais une fille agaçant s'y trouvait, et à vrai dire, elle avait prévu de lui faire ce que Kilian lui avait infligé à elle. Le voleur volé. Ceylan aurait pu en tirer une leçon, mais non, au lieu de cela, elle se servit du linge de cette gamine qu'elle n'appréciait pas pour ne pas rejoindre ses vêtements en tenue d’Ève.
Il fallait bien châtier le jeune homme qui lui avait dérobé de quoi se vêtir, c'est pourquoi, alors que le couvre-feu était tombée, la magicienne se retrouvait dans la cour principale à attacher les caleçons de son « collègue de jeu » sur les façades des bâtiments. Un peu plus tôt dans la soirée, elle avait pénétré dans le dortoir de ce dernier et fouillé toutes ses commodes, provoquant ainsi un bazar certain dans la chambre de sa victime.

Sa première idée avait été de les brûler, les flammes auraient emporté ses vêtements, mais, bien qu'il serait moins à l'aise dans ses pantalons jusqu'à ce qu'il trouve de nouveaux sous-vêtements, ce n'était pas assez humiliant, pas du tout. Non, il lui fallait afficher tout cela à l'endroit où les élèves passaient le plus, la cour fut ce lieu évidemment stratégique qu'elle recherchait.

Ceylan était tapie dans l'obscurité de la nuit, elle avait espéré qu'il se réveille un peu après que son chef-d’œuvre soit mis en place afin de voir sa réaction, d'un autre côté, maintenant il allait essayer de les détacher, cela signifiait donc qu'aucun élève n'aura l'occasion d'admirer sa vengeance. Sa petite victime arriva, torse nu, pourquoi pas, cela rendait la vue encore plus agréable ! Il contemplait ses sous-vêtements suspendus, l'air idiot. Elle ne put s'empêcher de dessiner sur son visage un léger sourire joueur en coin, avant de s'approcher de lui à une distance raisonnable. Elle aussi était en tenue de nuit, non pas dans une belle nuisette transparente, mais dans un short court et un débardeur, avec des sous-vêtements naturellement, qui n'en avait pas ? Kilian ! Du moins, il n'en possédait plus beaucoup à présent.

- Tu aimes mon œuvre ? Demanda-t-elle de cette interrogation rhétorique.

Elle espérait le voir s'énerver, l'insulter, lui lancer toutes sortes de sobriquets plus amusants les uns que les autres. Attendant sa réaction, elle se décida à reprendre la parole.

- Je me disais que ça allait te plaire, tu comprends, que tout le monde admire tes caleçons si sexy.

Elle le provoquait, elle aimait ça, c'était son jeu, sa manière de faire. Balancer des phrases et regarder ce que ça donne, sa véritable fierté se trouvait au moment où elle réussissait à prévoir la moindre des réactions d'une personne. À partir de ce moment-là, deux solutions s'offraient à elle, les faire souffrir, ou laisser tomber les vulgaires pantins qu'ils étaient. L'insolence et la manipulation étaient tout un art dont elle ne connaissait pas encore l’entièreté, mais puisque c'est un s’exerçant qu'on apprend, elle commençait en prenant un peu de bon temps, synonyme de s'amuser avec Kilian.
Son but ultime dans tout cela ? Réussir à torturer une personne psychologiquement pas la simple force de ses mots. Délicieusement sadique, Ceylan n'éprouvait aucune empathie, ce qui faisait sa force. Elle ne comprenait donc pas les gens, ce qui causait sa faiblesse.

Il semblait légèrement agacé, c'était fort malheureux, après tout, ce n'était pas l'attention de notre jeune Ceylan. Ironie, quand tu nous tiens... Il se tourna vers elle, apparemment, sa présence n'était guère insoupçonnée ! Assez vexant, mais au moins il commençait à comprendre que le jeu allait durer encore longtemps, car la demoiselle ne comptait pas recevoir une crasse sans s'en venger après.
Il lui proposa d'aller mourir dans les orties, c'était adorablement méchant ! Ceylan s'en mordit délicatement la lèvre inférieure, oui pourquoi pas, allons retrouver la terre en s'y décomposant dessus. Elle n'avait pas peur de la mort, la faucheuse pouvait bien aller prendre son âme! Si ça devait se faire, ça se ferait, ce sont les règles, elle ne s'y opposerait pas. Mais tout de même, dans des orties... Un chant de rose serait bien plus agréable, les épines pénétreraient sa chair, la faisant saigner jusqu'à ce que même les pétales blancs deviennent rouges, la pureté souillée.

Il s'avança vers la jeune fille, quelques caleçons en main, jusqu'à ce qu'un mètre environ les sépare, capturant par la suite une mèche de ses cheveux roses entre ses doigts. Il lui soumit alors l'idée de garder ses sous-vêtements dans son tiroir, oui pourquoi pas, cela aurait également été une bonne idée, mais sans l'humiliation, malheureusement.

- Ça aurait été beaucoup moins ludique. Dit-elle le regard malicieux.

Il était plus grand qu'elle, d'autant plus d'aussi près, mais cela ne l'intimidait pas.

Il semblait à Ceylan que ce jeune homme tenait à cacher ses émotions, soit, il ne rendait le jeu que plus intéressant, et alors qu'elle ne s'y attendait pas vraiment, elle se retrouva avec un beau caleçon noir enfilé sur la tête, elle s'empressa de retirer celui-ci, le mettant au sol, l'écrasant de son pied droit.
Ses paroles devinrent plus obscènes lorsqu'il lui parla de masturbation dans ce même sous-vêtements lorsqu'il songeait à la poitrine exorbitante d'un professeur. Ceylan posa une main sur chacun de ses seins, regardant s'ils logeaient au creux de sa paume. Bon ça allait, elle n'était pas plate, mais ne dépasserait jamais de sa vie le bonnet C.
Il continua de ramasser ses vêtements avant de prendre la pose prêt d'un lampadaire, la questionnant sur la façon dont-elle était sortie du bain lorsqu'il lui avait volé sa serviette.
Ceylan arrêta donc d'analyser la grosseur de sa poitrine par rapport à ses mains.

« J'ai du sortir nu pour rejoindre mon dortoir, mais en route, deux garçons m'ont accostée, ils étaient tellement forts que je n'ai pu m'enfuir, ils m'ont amenée dans un petit placard, et alors tandis que l'un s'occupait de m'empêcher de crier, l'autre m'a... Il m'a... » Elle baissa la tête en pleurant, quelques secondes plus tard elle redressa son visage comme si de rien n'était « J'ai volé la serviette d'une fille que je n'aimais pas. » Prononça-t-elle d'un ton beaucoup moins affolé.

Elle attrapa le caleçon noir, qui s'était soumis à ses pieds, du bout des doigts.

« Veux-tu que j'envoie ce présent au professeur dont l'énorme poitrine te fait tant envie ? »

Ceylan s'empêcha de rire face à l'inquiétude du jeune homme lorsque celui-ci eut entendu son récit. Sa réaction était adorable, il était si naïf. Mais elle se retint et ne se moqua pas. Peut-être vexé par son mensonge, il lui fulmina une phrase sûrement là pour qu'elle se rende compte que parler si légèrement de ce genre de chose, c'était mal. Mais la jeune fille ne ressentit aucun regret, elle était sociopathe après tout, comment pouvait-elle avoir honte des mots prononcés ? Elle n'avait aucune conscience ou notion du bien et du mal. Aussi, elle laissa passer sa phrase comme si de rien n'était, attendant sa prochaine réplique.
Il faisait l'éloge de cette belle femme, et de son succès auprès de la gente masculine, ne passons guère pour des homophobes, rajoutons également : et féminine.

- J'ai de quoi m'inquiéter, avec le temps, on apprend que les filles peuvent avoir une jalousie dévastatrice, et si cette femme leur pique toute la vedette, elles peuvent user de leur capacité surnaturelle pour... Annihiler le problème. Dit-elle un sourire moqueur aux lèvres.

Elle savait parler si légèrement de la mort et des sujets qui fâchent. Que ce soit politique, religion, sexualité, violence, elle ne savait que trop bien sortir une phrase déplacée quand il ne fallait pas, créant ainsi une gêne chez autrui. Malgré cela, des personnes avaient essayé d'engager une discussion avec cette jeune fille-là, mais trop bornée et avec son manque de respect, elle les renvoyait balader de ses phrases si joliment formulées. Elle ne voulait pas d'ami, ils n'étaient qu'un handicap, comme les animaux, lorsque son chien meurt, on pleure, elle s'est pareille, c'est pour cela qu'elle ne s'attachait pas. Et même si elle le faisait, l’adolescente ne savait pas prendre soin d'une personne, car, comment dire ? Elle s'en foutait royalement de leur gueule, ils étaient grands après tout ! Qu'ils se démerdent, c'est une fois mort qu'elle ne peut que se dire "Oups".

A vrai dire, ça phrase n'était pas valable pour elle, en effet Ceylan n'avait aucun intérêt à tuer un professeur, de plus, si elle devait se débarrasser de quelqu'un ce ne serait qu'en le poussant au suicide, au bien après une longue séance de torture. Elle voyait déjà la scène où elle mêlerait psychologique et physique. Cela lui faisait penser que dans une certaine prison dont elle avait oublié le nom, la musique était utilisé comme un moyen de torture, mais bref.
Elle banderait ses yeux, cachant ses oreilles avec le tissu afin qu'elle perçoive moins bien le bruit, l'attacherait, debout, contre un poteau, infligeant son poids à ses jambes sans in instant de repos, son dos inconfortablement appuyé. Elle lui murmurait des insultes, menaçant sa famille, criant dans ses oreilles sans prévenir. Lui prendrait délicatement la main, puis lui cueillerait un ongle comme un pétale de fleur. Elle s'en prendra ensuite au dent, et puisque c'est sa poitrine qui plaît tant aux hommes, elle y lui rappera la peau. Pourquoi pas en finir avec la vierge de fer ? Non, en finir est une trop bonne chose...

Ceylan revint alors à la réalité quand Kilian lui prit le menton avant de déplacer sa main jusqu’à sa tête, geste bienveillant ? Pourtant ses paroles ne s'accordaient guère avec son langage gestuel.

- Avoue, tu m'apprécies un peu tout de même ! Hein ? C'est quoi cette protection verbale ? C'est vrai, ton comportement ne va pas avec tes mots, c'est perturbant, même pour une fille "comme moi".

Elle avait dit tout cela pour le provoquer, quoi de mieux qu'un jeune homme beau et en colère ?
Elle n'avait encore jamais dit qu'elle était sociopathe, elle ne le cachait pas, c'est juste que personne ne lui avait demandé.

Lors de sa première phrase, elle avait effleuré doucement le poignet du jeune homme avec sa main, afin de regarder comment ce mouvement le ferait réagir, il n'y eut rien, peut-être n'avait-il pas senti toute la légèreté du mouvement, ou cela ne lui avait fait ni chaud ni froid car ça ne provenait pas d'une de ces beautés adultes aux formes plus que généreuses. Du haut de ses dix-sept ans, Ceylan n'allait pas se plaindre non plus, bien qu'elle n'irai jamais plus loin que son bonnet qui jongle entre le grand B et le C, et qu'elle n'avait pas non plus le cul le plus bombé de la ville cela ne l'empêchait pas d'avoir tout le même les formes d'un petit bout de femme, et elle savait que cela ressortait parfaitement bien avec son corps mince. Cela dit, de nos jours, les mâles bavaient davantage devant les beautés plus vulgaires, ou les rondeurs d'une adulte. Eh bien, pourquoi pas ? Les jeunes filles elles-mêmes avaient de beaux fantasmes, Ceylan elle, aimait les modifications corporelles, tatouages, piercings, colorations, suspensions, et elle est passé !

Elle le fixait en train d'escalader son lampadaire puis redescendre une fois son caleçon récupéré. Il lui adressa de nouveau la parole, la traitant de succube en insinuant également qu'elle devrait ranger ses affaires.

- SI j'étais une succube, j'aurai déjà couché avec tout le monde avec ou sans l'aide d'un sortilège, même les professeurs et les surveillants. Quant à tes affaires, tu peux toujours courir, je ne vais pas ranger ma vengeance, enfin, j'ai quoi en échange ?

Un vampire ? Mais quelle délicieuse idée ! Ces êtres maléfiques, créatures de la nuit qui se nourrissaient de sang. Elle s'imaginait déjà la scène, elle et une victime, un endroit désert, la valse de deux corps, l'union tragique. Plaisir et douleur, puis orgasme sanglant. Ceylan en eut des frissons de désir et après avoir passé un sensuel et lent coup de langue sur sa lèvre supérieure, elle dit calmement, dévorant Kilian du regard :

- Un vampire, pourquoi pas. Pour une fois, ce sera à moi de pénétrer.

Prononça-t-elle en liant allusion sexuelle et l'image d'un vampire trouant la peau d'une personne de ses crocs aiguisés. Par la suite, elle le fixait en train de galérer à récupérer le petit dernier, et tandis qu'il était là-haut, Ceylan sentit une présence à proximité qui la fit de retourner brusquement. Un surveillant, bon rien de grave. Kilian lâcha furtivement une excuse bien plus que bidon, peut-être dans le but de relaxer le pion grâce à son caractère ludique, mais rien n'y faisait.
Et tandis qu'il s'énervait davantage, la jeune fille se demanda si son compagnon de jeu allait la balancer. Était-il de ce genre-là ?
Elle n'était pas nerveuse, pas effrayée, mais totalement paisible face à cet homme. Cette réaction calme était sûrement le fruit de sa sociopathie ou bien de ses années passées dans des établissements scolaires dont elle connaissait par cœur les moindres bureaux de l’administration.
L'air de rien, elle haussa les épaules et tourna les talons en direction de son dortoir où elle y retrouverait sa chambre, laissant ainsi Kilian seul dans sa galère.
Elle n'avait guère exclu de sa pensée que le surveillant chercherait à la sanctionner également, mais qui ne tente rien n'a rien. Elle se souvint d'une journée passée en troisième, encore collégienne, la demoiselle était pourtant bien précoce. Pour une raison dont elle ne se souvenait plus, un pion l'avait engueulé en pleine cour tandis que les regards de ses camarades se réjouissant de son malheur. Il voulait la ramener à la vie scolaire, n'étant pas en accord avec ce plan, la jeune fille avait retiré son haut pour la balancer sur le toit, rougissant devant sa poitrine juste vêtue d'un soutien-gorge, l'adulte ne pensa qu'à récupérer son vêtement tandis qu'elle était partie lors d'un moment d'inattention.